Nouvelles
Jean-Marc Foussat

track listing
Entrée (1:56) l (i. e.) (18:37) l À Découvert (14:24) l Viegelstältiglasterhaft (9:33) l On See Side (4:58) l Sortie

CD-Rom part : Eye Way (25:00)

infos
Jean-Marc Foussat VCS III, piano, guitar, voice
featuring : Jac Berrocal, Jean-François Pauvros, Roger Turner

Recorded between 1973 & 2001

texte de pochette
liner notes
chroniques
reviews

texte de pochette  

« Penser en stratège, agir en barbare », entendis-je résonner, dans la pénombre familière et matinale de la cuisine à l’heure du café, sur le haut-parleur de ma petite radio, au beau milieu d’autres phrases qui péniblement mettaient en comptes résultats électoraux, accidentés du week-end, récents massacrés ramenés par le ressac de terrifiantes politiques étrangères et autres nouvelles mises en examen diligentées par quelques juges affairés. Alors quoi ? Sens de la formule ? Vaine rhétorique ?
Cause toujours, beau merle...
Glose-t-on sur le trop apparent pouvoir des mots ? Moque-t-on le sens de la formule ? N’empêche qu’il faudra bien ici encore se déplier selon le sens emprunté par les formules, fussent-elles mathématiques, incantatoires, magiques, surannées ou susurrées mais en soixante et quelques minutes.
Abattage (mot n’affichant souvent par coquetterie qu’un seul de ses deux “t”), dans l’usage qu’il en est fait au théâtre, signifie jouer ou danser avec brio; étendu au langage commun, il prend alors le sens d’avoir l’assurance du geste et du langage. Musique n’est pas verbe, cependant ? Certes, mais tout ici fait sens pour autant. Qui n’a vu notre homme des sons enchâssé, comme sentinelle au front entre sacs de sable, derrière son EMS “VCS III”, entre bandes magnétiques et cassettes, entre cut-up et mixage, entre entrées et sorties, entre microphone et galets d’entraînement, ne comprendra le pourquoi du mot d’auteur qu’on pouvait croire écrit seulement pour lui et placé au début de ces lignes.
Foussat Jean-Marc ? Lunettes de visée sur montures discrètes et gestuelle mesurée, voilà toute la retenue propre à l’ingénierie des sons. Mais puissance de feu maximum. Non, pas puissance mais rayon d’action ou plutôt portée, car qu’importe la puissance de la bombe quant seul importe « l’endroit où c’qu’elle tombe ».
Et pense-t-il en stratège qu’aussitôt il agit en barbare. Foussat Jean-Marc a beaucoup de l’aviateur survolant dans son autogire les pesanteurs du scénario de Mad Max II, faisant choir féroces serpents sur le dos de véloces barbares mais ainsi, sauvage jusqu’au-boutiste, leur ressemblant davantage que le hiératique Max, policier policé jusqu’aux deux bouts de son canon scié.
Jean-Marc Foussat appartiendrait-il à une scène ?
Au mieux à un théâtre des opérations. Et cet homme n’habite-t-il pas surtout un cockpit ?
Potlatch ? Barbarie ? Les deux font la paire comme la botte en l’étrier.
Un barbarisme ne se veut-il pas cette faute contre la langue où se forgeraient les mots que celle-ci ne saurait accepter ?
Avant cette définitive version, Nouvelles, prolongement de l’Abattage précédent, a circulé sous forme d’un trait-d’unionesque CD-R dont les bits pairs réactivèrent le réseau, talent scout missionné pour faire le tour du propriétaire et circonscrire le théâtre des opérations, ultime reconnaissance d’avant cette offensive de printemps.
Il s’orne toujours d’une pleine page cadrant un cordage tendu, entre l’ici digital et l’ailleurs composite qui l’avait vu jaillir, par-dessus des flots sales et tumultueux mêlant, sur l’à-plat de sa jaquette, ocres en boues délavées de gris bleu au carmin de son titre survivant; disque sale et tumultueux, voire outbloody rageous, comme il est écrit sur le Third de Soft Machine, le double album aux couleurs de papier craft (1) dont l’exubérante Lune de Juin rayonne sur la totalité d’une de ses quatre faces; on pensa alors à ces marines guerrières où les peintres du Grand Siècle célébraient les hauts faits d’armes des amirautés de l’époque. Sur les chantiers navals, l’opération consistant à coucher un navire sur le côté afin de le réparer s’appelle l’abattage. L’habitacle des bolides à voile que pilotent ces téméraires navigateurs poursuivant les vents mauvais encerclant le globe se nomme cockpit.
Et quand la quatrième partie de cet album s’intitule On See-Side, tentant alors toutes les homophonies, on peut se risquer avec Jean-Marc Foussat à un drastique “seaside rendezvous”.
Oui mais comment sera-t-il ? « Ouraganesque et dérivant », écrit quelque part Valère Novarina.

Jacques Debout

1) Mot anglo-saxon nommant parfois l’embarcation.


liner notes

NOUVELLES


memory
detail
detail of memory
accuracy
accurate pleasure
accurate pain
reflections:
who was I?
what did I do there?
what was it like then?
accidents fervently embraced
we're everything we’ve ever heard
everything we’ve seen, touched, smelled
clandestine collections, re-collected, re-formed,
suddenly it isn’t yesterday anymore
the present wells up like a tear
want to die, I do not
want to die
choice
dismantling the facade from inside
dishevelled & disruptive
am I bent music?
remember?

Fred Frith

 

 


chroniques

C'est par la langue de Primo Levi tirée de la bouche del signore Pastorelli que commencent les 65' 56" de ces Nouvelles, en disque compactées à la demande par Jean-Marc Foussat; elles s’adressent à "Vous qui vivez en toute quiétude bien au chaud dans vos maisons..." quoique le disque soit dédie à Marie et à Robert Wyatt, cet autre mélodiste faiseur de chansons tristes, évoqué en deux brèves citations d'un Gloria Gloom extirpé du Petit Disque Rouge de Matching Mole – façon pour l'auteur de ces Nouvelles de s'ancrer dans une Histoire pleinement choisie; encore qu’avant même de fondre sous la chaleur de la langue piémontaise il faille en passer par le rouge sang de ces Nouvelles lavé par les remous sales d'une rivière que perce un cordage ou s'effilochent des linges happés par un méchant courant, rude filin tendant sa mince ombre noire sur l’onde tourbillonnante : voila ou s'arriment ces Nouvelles que donne Jean-Marc Foussat aux immobiles voyageurs du numérique les écoutant "le soir en rentrant "; c’est que le son, capté, découpé, travaillé sans fin, reste l'instrument privilégié de cet homme discret posant son chapeau noir derrière les machines à bruire de Marteau Rouge (conique pochette surprise qu'il remplit à loisir aidé de Jean-François Pauvros et Makoto Sato) auxquelles il rajoute ici voix, piano, trompe de Solex, cordes, tabouret à vis, dédicaces, courants d'air, téléviseur et magnétoscope, collés ou pas à la guitare de Jean-François Pauvros, la trompette de Jac Berrocal, la voix de Roger Turner, l'accordéon de Claude Parle, la basse et les percussions d'ex du groupe Mandragore, psychédélique underground météorite seventies (presque) sans lendemains mais ou naquit Jean-Marc Foussat aux phénomènes sonores.
Avant ou après le turinois reprenant le compte a rebours qu’égrena Primo Levi à l’ouverture de Se questo e un uomo / Si c'est un homme, viennent en leur temps langue arabe, anglaise, grecque, allemande, latin classique, chiffres et lettres mettant en équation les matières sonores de ces Nouvelles, et que "vous qui (les) trouvez le soir en rentrant la table mise (...) non, ne l(es) oubliez pas : Gravez ces mots dans votre cœur. Pensez-y chez vous, dans la rue, en vous couchant, en vous levant; répétez-les à vos enfants. Ou que votre maison s'écroule, que la maladie vous accable, que vos enfants se détournent de vous." Menace éminemment politique, impeccablement rédigée par celui qui avait choisi de narrer l'irracontable, l'indicible des camps d'extermination nés en milieu de ce siècle, reprise ici sostenuto par Jean-Marc Foussat qui désigne mieux ainsi qu’avec n'importe quoi d'autre le camp de ses choix sonores.

o Serge Gainsbourg, "L'Aquabonis"

Jacques Debout l Revue & Corrigée l Septembre 1999



Il y a le Jean-Marc Foussat musicien, mais on le connaît aussi comme preneur de sons, engrangeur de mémoires. Dans ce projet démarré en 1985, il est les deux à la fois, ayant composé une étonnante confrontation avec son propre passé. C'est en effet des moments de sa vie qui servent de matière à ces Nouvelles. Ou plutôt des alentours de vie qu'il a capté sur ses magnétophones à bandes et auxquels, au moins en tant que chasseur de sons, il a participé. De fait, la musique qu'il a jouée dans les 70's avec son groupe Mandragore fait partie intégrante de ces récits fragmentés, tout comme les gens avec qui il a joué, tels que Jean-François Pauvros, Jac Berrocal ou Roger Turner, tout comme les musiques qui l'ont marqué, celle de Soft Machine par exemple, appréhendée comme il se doit dans la lumière d'une pataphysique chandelle verte. Des tas de souvenirs analogiques ont ainsi été refondus, remixés, remontés et transférés en digital pour créer des poèmes coniques qui s'épanouissent au-delà de toute narration verbale, de toute linéarité sémantique. Les mots, les voix, les notes, les cris et les bruits font valoir leurs propriétés mnémoniques, qu'il s'agisse de pas dans l'escalier, de moteurs d'avions, de pleurs d'enfant, de thèmes libres au piano joués pour un film Super 8, d'une trompe de Solex, d'un téléviseur, du rebond d'une balle, d'une boîte à musique, d'une matrice qui se métamorphose en cœur battant, ou du vide dans le lointain...
Autant de voix arrachées à l'instantané et qui, figées sur un nouveau support et réordonnées, réactivent une vie et rappellent ses fantômes, donnent des Nouvelles au lieu de raconter des histoires. Où l'illusion de la mise en boucle fait retrouver une vérité sensible à ces traces éphémères, comme cette évocation du Gloria Gloom's de Robert Wyatt, dont il ne reste tantôt que la chair textuelle, tantôt que l'enveloppe soufflée aux lèvres, a-rythmée par les vagues de l'infiniment aquatique... où les empreintes du souvenir, enfin, dictent leur version de celui-ci, sans tricher avec la crudité de leur nature, voire leur sauvagerie première. « Nous sommes tout ce que nous avons écouté » rappelle Fred Frith dans le livret. Et comme les sons donnent à voir, une partie CD-Rom a été ajoutée, comprenant photos et maquettes.

Stéphane Fougère l Traverses l Janvier 2002

 

reviews

So I gather, the Potlatch label is the French equivalent to someone like Incus, Matchless or Emanem in the UK, being a label dedicated to free-jazz, free-improvisation, or more so the free-form scrappy side of avant-garde jazz, the field of noisy scrapes, sonic bric-a-brac, and such-like. As such, not the usual area we tend to cover in Audion's pages.
I was mostly interested, when they contacted us that is, because they'd released a new album by Jean-Marc Foussat. He released a bizarre oddity on LP, many years back, called Abattage that has long been one of the most fascinating examples of extreme music I've heard that I can claim to enjoy (when in the mood). We met him at a Jac Berrocal concert in Paris (7 years ago), and he was intrigued that we knew his LP, which "hadn't sold much" and he pretty much said he'd not be that likely to release anything like it again. But, the info from Potlatch got me curious. His Nouvelles (Potlatch P301) is a bizarre and extreme 66 minute collection that defies any simple categorisation. Actually, it's all pretty mad, with crackling records, piano clunks, loops, electronic blips and splutters, lots of callous ear-splitting noise and abrupt collage, and B---I---G s--p--a--c--e--s! One of these spaces only reveals a whistled version of Robert Wyatt's Gloria Gloom leaving the listener wondering "Why?".

Audion l Ultima Thule l January 2002


This very strange CD-ROM-enhanced recording combines 20 tracks of what can only be called deliciously weird music coupled with surreal visual images. The Potlatch label is recognized for its quality freestyle recordings, most of which embody at least some jazz influences, however minimal. This one detours, in that the relationship to any genre of jazz is nearly nonexistent, though the improvisational adventurousness is extraordinary. The mostly short individual pieces were composed and arranged by Jean-Marc Foussat between 1985 and 2001, and feature wicked combinations of voices, guitar, synthesizers, and pianos, with occasional bass, percussion, accordion, and trumpet. There is a simplicity to it all, though as a whole it has the feel of a William Burroughs cutup. The liner notes are in French only, but this is a project that stands on its own, without elaboration. There are few signposts and little to prepare the listener for the unusual noises and slowly changing timbres, which at times are creatively grating. The metamorphosing color artwork sometimes invites viewer interaction and is an interesting touch that enhances the experience. While this is likely to have limited appeal, it is a project worth exploring for those seeking unique visual and aural challenges.

Steven Loewy l allmusic.com l May 2001



Hello and greetings from sunny Canberra,

We have been meaning to write for some time, but it had to be a special note, not just a standard thank you.
This label has been an absolute blessing for our program.
There was a time when Maroney-Tammen was played week after week.
Then came Butcher/Charles/Doerner, Misère et Cordes.
These are both the style that fits in well with our program.
Then....
Jean-Marc Foussat !!
Who is this man ? We listen to and play a lot of improvised and composed music on our program, but this was one of the highlights and surprises for 2001.
We are not experts on electronic music, but the way the tapes and sounds were put together was a treat.
Can you pass on compliments from Australian radio ?
Last night, we did our "best-of" program and played more of this CD. If you have time, do check out the playlist:
and follow the link to the playlist.
[...]
Thanks again

Andrew Torda & Barbara Schwarz l Fretless in Canberra