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de pochette |
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Faut-il
rappeler que dès la fin des années quarante, quelques
compositeurs, notamment Bruno Maderna, puis Luigi Nono et dautres
encore, intéressés par la relation musique sur bande/musique
instrumentale, se sont mis à expérimenter les possibilités
offertes par la confrontation des sons dartifice de la bande
magnétique, amplifiés, modulés, mixés,
manipulés avec les sons naturels de linstrumentation
acoustique. Ces recherches provoquèrent de nouvelles approches
de pensée musicale chez un grand nombre de compositeurs issus
de lécole post-sérielle.
Cette
musique écrite, préparée, laissait une certaine
marge de liberté de mise en uvre qui ne tardera pas
à être exploitée, notamment par le MEV (Musica
Elettronica Viva), limmédiateté appelant
nécessairement une part plus large dimprovisation dans
la combinaison bandes/instruments. A la fixation, la clôture,
le contrôle intégral, se substituèrent la mobilité,
louverture, le risque.
Cest
à travers la logique rectiligne de cette démarche,
que les Kristoff K.Roll vont recueillir sur le terrain le matériau
qui sera traité par lélectroacoustique. Ainsi,
ils sapproprient des sons de rencontre de leur univers culturel
ou dautres plus loin deux, à la fois spectateurs
et acteurs de pièces qui font appel à des bruits de
voix humaine, de grognements de chiens, portés par un souffle
constant, tissé de bruissements et crépitements divers,
de slogans de manifestations... savamment assemblés ensuite
à des sons électroniques et soumis à de nombreuses
mutations. Contrairement aux « live electronics », notamment
dans les récents travaux dEvan Parker avec lElectro-Acoustic
Ensemble qui portent leur intérêt sur la recherche
de sonorités nouvelles en temps réel, les Kristoff
K.Roll, avec la clarinette de Xavier Charles interférant
dans les textures préalablement enregistrées, créent
une musique où prime limage sonore, avec ses qualités
despace, de matière, de densité.
Leur
association tient dune veine aérienne, dans un espace
en profondeur où les sources sonores sont rigoureusement
positionnées, parfois étonnamment proches, parfois
à une distance qui sétire au loin jusquà
leffacement ; sensations de déplacements qui nous conduisent
dans un itinéraire où les climats successifs se superposent.
Parfois, les silences alternent entre les dispositifs électroacoustiques
et quelques bribes de phrases dune clarinette nue, emplie
dune sobriété radicale, qui immerge lauditeur
dans une lente évolution de sons et de mouvements abolissant
le temps et laissant lesprit glisser vers un calme bien tempéré...
Théo
Jarrier
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liner
notes |
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As
I get older I get out less. This is largely the result of having
small children and many domestic duties. Staying in changes how
I listen to music. In previous decades music that I sought out socially
in concert halls, clubs and festivals always appeared celebratory,
regardless of its intent: as if its very structure and aesthetic
were determined by its location. Staying in listening to
music mostly on headphones in snatched, private moments renders
the music private.
The music on this CD sounds like it doesn't get out much and I admire
it for that. It seems content with its narrowed social world
or is that me? That is not to say that it's self-regarding. It appears
to afford an array of perspectives on the notion of the social.
It has always seemed to me that music's most active meanings are
those the listener wrests from it, interpretations wrought
from social activity', as Simon Frith has put it. With social activity
comes a host of histories of identity, of circumstance, of
listening in my case, of almost thirty years of listening
to electronic music, electroacoustic music and free improvisation.
These broad genres characterise much of the music here. The improvisations
of clarinettist Xavier Charles are by turns ruptured, invisibly
mended and reconfigured by the acousmatic pratique' of Carole
Rieussec and Jean-Christophe Camps.
Those almost-thirty years seem to make this music mine. Up to now,
I've largely heard music as other' as the music of
composers, of performers; the music of external purpose, narrative,
form genetically or descriptively of someone
or something else.
The qualities that reside in this music reveal themselves to me
as elements in a set of social relations, completed by my own self.
La Pièce is the music of this particular listener. Its
title is replete with meaning for me. La Pièce : the
room (the domestic, the private); the play (a drama completed by
my participation as listener); the part of a mechanism or a machine
(its sound sources and their manipulation; again, a part that is
made whole by the listener); a fragment (ditto).
Note the definite article: La'. This is not any instance of
the above; it is THE instance. In an inconspicuous corner of the
living room sits this music in a chair that fits it perfectly. Comfortable
yet far from complacent. Undemonstrative but able to make the most
expansive gestures with utter facility. Never histrionic, yet not
afraid to assert what is necessary. Apart, but in the thick of it.
I will only ever hear this music on headphones. This is the best
music I've (n)ever made.
Chris
Atton
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chroniques |
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Le
disque sorti sur le label Potlatch de Kristoff K.Roll et Xavier
Charles s'inscrit dans un même rapport à lélectroacoustique,
rapport historique qui renvoie aux pratiques subversives de MEV
ou de Walter Marchetti, quand la frange la plus libertaire des avant-gardes
historiques s'opposait sur le plan des idées et des formes
aux discours policiers de la musique post-sérielle. Ils ne
restent cependant pas les otages d'une histoire dont nous serions
quelques uns à fantasmer, parfois à commémorer,
les conditions historiques ne sont plus les mêmes, tout leur
travail était à inventer sur les sons d'un présent
qui fuit.
Le projet électroacoustique de La Pièce est
redéfini par la présence de la clarinette de Xavier
Charles qui apparaît comme l'oiseau dans la cage, imposant
la confrontation entre deux plans de réalité acoustique.
Figure de l'humain, de ce qui le prolonge, souffle passant dans
l'instrument, presque visible, c'est le corps qui met le son en
jeu, en mouvement, sa place dans ce théâtre sonore
qui imprime l'air, le troue, la place des mains et des lèvres,
ça on peut le comprendre, s'y reconnaître. Une clarinette
est pourtant déjà une technologie, presque une machine
(même si a vent). Autour qui l'enserre, le dispositif de Carole
Rieussec et Jean-Christophe Camps, dé/construction des technologies
qui aliènent, patient travail sur le passage du temps, les
bruits du monde qui changent, la roue de bicyclette de Duchamp qui
passe en grinçant.
C'est
au sous-sol de Dostoïevski, à la chambre de Kafka, que
La Pièce renvoie, faisant tomber les derniers plâtres
de la modernité. Un disque rare qui s'inscrit dans une internationale
de lelectroacoustic device contre l'uniformisation annoncée
dans le grand corps digital d'AOL et de Warner.
Michel
Henritzi
l Revue
& Corrigée l
Mars 2000
Les
Kristoff K. Roll (soit Jean-Christophe Camps et Carole Rieussec)
confrontent ici leurs dispositifs électroacoustiques avec
la clarinette de Xavier Charles. Contrairement à la démarche
de l'Electro Acoustic Ensemble d'Evan Parker (sur le traitement
des sons en temps réel), c'est à partir d'éléments
sonores recueillis préalablement que se construit l'espace.
D'où les liens qui les unissent avec certains improvisateurs
(Xavier Charles ici, Daunik Lazro ailleurs), travailleurs d'une
matière sonore éruptive. C'est dans la granité
des sons, les crépitements qui se déploient en plusieurs
niveaux que se dévoilent des mondes transgressifs. L'envol
prend corps dans le feulement des textures, comme un acte de présence
au monde.
Thierry Lepin
l JazzMan
l Mars
2000
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review |
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"First
you record the metal, springs or whatever, but as soon as you
can't see them anymore you're listening to tapes and what they
have to say. You're not listening to images anymore. Use sounds
as instruments, without causality. It's no longer a clarinet or
a spring or a piano, but a sound with a form, a development, a
life of is own." Think a bit about Luc Ferrari's definition
of the working ideology of musique concrete, and you'll see that
there is much common ground between that and free improvisation,
common ground which La Piece sets outs to explore
Kristoff
K.Roll is not an eccentric German one-man band, but a duo consisting
of Jean-Christophe Camps and Carole Rieussec (hence the name),
billed as playing 'electroacoustic devices', namely the famous
objets trouvés themselves, live transformations thereof,
fixed (sampled) sounds and prerecorded material. Though their
work represents a logical outgrowth of the sonic experimentation
of the GRM and its founder members, I wonder what Pierre Schaeffer
would have made of the twiddling, tweaking, crunching and squeaking
of KKR and other like-minded spirite such as metamkine's Jérôme
Noetinger.
On
closer listening, however, there is a finesse and sureness of
touch in KKR's work that frequently belies the real-time origine.
Add to this the granular, insect flutterings of improvising clarinetist
Xavier Charles (La Pièce was first presented live
in 1998 at the Fruit de Mhère Festival), and the stage
is set for over an hour of fascinating music. A clarinet, as opposed
to a saxophone, seems to take the music more into the soundworld
of contemporary composition (snippets taken out of context could
pass for Boulez's Dialogue De L'Ombre Double or Pousseur's
Madrigal III), though just when you might be fooled into
thinking this was some deadly serious offering from a nerdy IRCAM
technicien, the KKR duo throw in a barrage of dog barks, or, as
in Le Petit Salon Moutarde something that sounds as if
a food processor has been implanted behind your eardrums and is
slowly but surely mashing your brain to a bloody pulp.
Dan
Warburton l
The Wire l June 2000
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