No Waiting
Derek Bailey l Joëlle Léandre

track listing
No Waiting, One (16:59) l No Waiting, Two (6:37) l No Waiting, Three (9:06) l No Waiting, Four (10:13) l No Waiting, Five (6:37)

personnel
Derek Bailey electric guitar
Joëlle Léandre bass

Recorded live by
Jean-Marc Foussat on May 9th 1997 at Les Instants Chavirés, Montreuil.

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texte de pochette
liner notes
chroniques
reviews

texte de pochette  

Habituellement, dans tout type de musique, un duo guitare-contrebasse adopterait les fonctions de soliste et d’accompagnateur. Ici, dans le monde de l’improvisation libre (ou « non idiomatique »), détaché de toute contrainte de méthode et débarrassé d’un fatras de règles, hiérarchies et autres usages, les deux musiciens se font face — avec le public des Instants Chavirés pour témoin —, ayant pour seul bagage leur vocabulaire instrumental (leurs habitudes, diront les grincheux), leur mémoire et une propension à toute épreuve à être « à l’écoute ». Jouer comme si c’était la dernière fois.

Au cours de ces dernières années, Derek Bailey et Joëlle Léandre n’ont jamais autant enregistré, non pas pour une grande compagnie mais pour une multitude de labels indépendants disséminés sur toute la planète. Ils se sont maintes fois croisés et retrouvés, avec les partenaires les plus divers, sur les scènes du village global des musiques librement improvisées, mais c’est la première fois qu’ils enregistraient en duo. Plus qu’une succession de premiers ou seconds plans (ou jeu en « ping-pong »), leur conversation prend des allures de promenade, riche en découvertes et surprises, où chacun s’efforce de se mettre à la disposition de l’autre, tout en proclamant ses prérogatives.

Nourrie des enseignements de l’institution classique (que les libertés du jazz et les hardiesses de la musique contemporaine allaient pervertir), Joëlle Léandre caresse et maltraite la contrebasse — avec vélocité, précision, puissance, rage — et si sa voix prolonge parfois l’instrument, c’est pour mieux affirmer une attirance pour la mélodie.

Parfaitement autodidacte, c’est après avoir travaillé pendant plus de dix ans dans le monde de la musique commerciale que Derek Bailey se consacre progressivement, au cours des années soixante, à l’improvisation libre à la guitare et adopte un langage approprié. Guitariste conventionnel aux qualités chantantes (ni guitare à plat, ni hammering-on, ni transformation électronique), il perfectionne les « techniques étendues » (non conventionnelles) de manipulation des timbres à la main gauche (juxtaposition et jeu d’oppositions des techniques de cordes pressées, d’harmoniques et d’open strings dans une même phrase), doublées entre autres d’une maîtrise diabolique du médiator (devant et derrière le chevalet) et d’une utilisation très personnelle de la pédale de volume (l’une de ses « marques de fabrique ») lui permettant notamment de supprimer l’attaque des notes ou d’interrompre brutalement les accords.
Confronté aux épaisses et sauvages phrases en ligne de sa partenaire, son jeu expressionniste fait merveille, et quand l’archet s’affole et s’accélère, une troublante frénésie rythmique s’instaure au cœur de la superbe articulation de leurs empoignades crues et de la magie télépathique de leurs dix cordes épanouies et comblées.

Gérard Rouy


liner notes

What is there to write about? Music Reviews are well-known for falling into the trap of simply describing: remember Shaw's analysis of “To be or not to be..” as described by a music Reviews: “the interrogative infinitive opening phrase is, a brief linking conjunction, counteracted by its inversion..” There's no point providing you here with a blow-by-blow commentary. In any case, the fact that you're reading this probably means you belong to The Afficionados Of Free. This CD will probably take its place alongside others of its ilk by Parker, Brötzmann, Van Hove, and no doubt Bailey himself, including such latter-day pop classics as “Guitar Drums'n'Bass” and “The Sign of 4”. Even though I believe this is the kind of record that should be slipped into a Spice Girls sleeve and given to unsuspecting and impressionable ten-year-olds, it's unfortunately true to say that Derek Bailey and Joëlle Léandre will never fill a stadium in Rio or sell 250,000 tickets at Knebworth.

The late Morton Feldman described Samuel Beckett as a “fantastic word man”. And he added: “I always felt I was a note man.” Derek Bailey is a “note man” of the highest order–no need to attack his guitar with screwdrivers, chains, paintbrushes and balloons (even though such extended techniques can be wonderfully effective in the hands of a Frith, Chadbourne, or Kaiser). Bailey's sound is out there, endlessly redefining its musical structure (can there be a better example of Stockhausen's concept of “moment form“?), continually recycling tiny exquisite pitch constellations with Webernian finesse. Indeed, his music could prove fertile ground for rigorous set-theory analysis à la David Lewin – though that would involve weeks of patient transcription and even then wouldn't take into account its rhythmic intricacy and timbral sophistication (check out that use of the pedals!). What's more, in Joëlle Léandre, Bailey has found a uniquely sensitive sparring partner. Check out the pitch play in the second piece here. No, scratch that, check it all out. Listen carefully now – this is not music for the faint-hearted.

“So what kind of music is that exactly?”. You may be tempted to ask this question after No Waiting. But whether you call it non-idiomatic improvisation, free improvisation, free music or whatever other term you fancy, you will, given time, grow to love this music simply for what it is, a crystal-clear snapshot of a memorable evening at Les Instants Chavirés, a great gig by two extraordinary musicians. No point shouting it from the rooftops – your neighbours are too busy listening to Oasis –, just let's quietly treasure this rare gem. Shhh... It'll be our secret...

Dan Warburton


chroniques

Le plus souvent dans les extrêmes, voire au seuil de douleur auditive, loin des sonorités pastel, du “moiré” et des “doux duos” alanguis. Plutôt dans le zigzag et la zébrure, dans les déchirures et lapidages de silence. Le goût du son, très fort, au point que l'allitération est irrésistible : du goût du sang, d'une chair de la musique... Ici l'on tranche dans la matière sonore. Musique au couteau, par brusques à-plats et jets de couleurs, jusqu'à saturation et mélange suraigu. Ou dans le cristallin et l'extinction distendue confrontes aux frottements et fouettages. Avec toujours dans les phases de dialogue une manière de halètement rythmique, une crispation que menacerait une complète tétanie... De fait, ni attente, ni préméditation autre que celle des retrouvailles, mais une suite de plongeons à quatre mains, d’échanges à la dialectique quasi rituelle (en trois mouvernents-moments d'intensité), qui prend évidemment valeur de manifeste pour le catalogue ainsi inauguré. No waiting certes, mais on attend le prochain potlatch.
PS - Faut-il préciser que les instrumentistes ici réunis (pour la première fois en duo sur tout un cd) s’imposent comme deux incontournables de l’histoire de l’improvisation ?

Philippe Carles l Jazz Magazine l Avril 1998


Ainsi jouèrent-ils, duettisant sur plusieurs années, ici, puis ici encore, là, mais une seule fois suffit à Jean--Marc Foussat pour les fixer sur cet enregistrement, pris aux Instants Chavirés de Montreuil.
A quoi cela ressemblait-il? Souvent plantée côté cour et de noir vêtue, Joëlle Léandre est une dame brune de taille moyenne, barbare Barbara en cheveux qui aurait renversé à ses pieds un piano pour, le tenant par la queue, le montrer à ce Monsieur Bailey avant que de tremper ce qu'il en resterait dans l'huile de ses coudes lui passant l'archet dans le dos - de celui du piano à queue et non pas de celui de Monsieur Bailey qui, tête jetée de côté, en chemise aux poches de poitrines piquées de jolis boutons, guitare lancée sur un genou fortement surélevé par la taille du pédalier, sinistre main-crabe claudiquant prestement le long du manche, se joue de l'arrogante indolence du Ricky Nelson de Rio Bravo (précisément lorsque celui-ci entend montrer à Dean Martin qu'on ne la lui fera pas - encore moins à son rifle, ni à son poney - question crooning bien tempéré) transformé cependant par les années en pistolero brechtien ayant mis à bonne distance une Angie Dickinson sans guêpière, défroquée.
La musique? Très exactement tout cela. Pas moins. Mais quoi enfin? Du piano (re)dressé à la main en contrebasse, épluché de son habituelle peau épaisse sombrement laquée et emmené tambour battant à faire le pas-de-deux avec la banlieusarde guitare hérisson du last but not the least of the single western-swingers. Double bass, insistent, comme pour en redoubler la lourde cadence, les anglo-saxons.
Une mise en scène donc, proche de celles qu'Edward Gordon Craig, scénographe, dramaturge, metteur en scène réalisait à l'aube encore du premier conflit mondial et qu'évoque Jean-Pierre Faye dans le chapitre Décor, Espace de son Récit Hunique publié en 1967 au Seuil:
" Pour finir, Craig rêve d'un théâtre sans texte, construit par les seuls lieux: dans The Steps, les deux personnages l'intéressent, mais, dit-il, "c'est l'escalier sur lequel ils se déplacent qui m'émeut." "

Jacques Debout l Revue et Corrigée l Juin 1998


reviews

The five pieces on No Waiting, recorded live in 1997, find Bailey in his more usuel mode of collaborative improvisation with an accomplished and forceful associate. Despite the jaggedness of Bailey's music — the fingers crawling spiderlike over the fretboard exploring every form of articulation and harmonie and rhythmic possibility over continually shifting time and velocity - here it is all underpinned with a sense of calm, an assured quality that comes from him having sorted out his aesthetic priorities long ego. The poise of French bassist Joëlle Léandre — the firm pedals, the Iyrical bowed fines — heighten the sense of reflection, the low register of her instrument rooting the mercurial flight of Bailey's guitar. Their roles are almost traditional, and Bailey even occasionally lays out to give room for a bass solo. The relationship is one of support rather than dialogue. With Bailey's music there are few surprises (except occasionally in the choice of collaborators), but surprises here come when Leandre asserts herself and leads the way, causing the guitarist to step aside momentarily and reconsider. Both players shun novelty and their attention is above all to the detail of what is played.

Gus Garside l Resonance l December 1998

As one would expect from this personnel, No Waiting is abstract. It is also marvelous. Both Bailey and Léandre are titans of their respective homs, and they are focused here - not just on each other but on their joint, orphean muse. The centerpiece of the disk, No Waiting 3 builds so marvelously from Bailey's delicate, almost baroque plucking to such a fiery duel of cacophonous guilar and savage, soulful bass scrubbing, that it seems as if there is nearly no emotion that these two can't evoke. Bailey's frenzied accompaniment to Léandre's deep tremolos on the final cut is glorious: it's samadhi for two stringed instruments.
In a review of her recent recording, Moments, I ranked Léandre among the most talented avant-garde improvising bassists now active. No Waiting, a disk in which she sticks almost exclusively to bow work, reinforces this judgment. Both her technique and her concepts are superlative. I think she could fill an entire CD with nothing but harmonics and still be interesting and beautiful. Bailey, of course, is always and only Bailey: an uncompromising Kandinsky of the electric guitar. Clickety-thrash, plunkety-skronk. No quotations from cartoon shows. No Wes Montgomery riffs. Just a serious and tireless artist, pressing closer and closer toward the harmony of the universe, note by crackling note.


Walter Hom l Cadence l September 1998

 

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